L’Algérie s’est littéralement métamorphosé ces dix dernières années. Selon l’Office nationale de la statistique, le pays a réalisé plus d’infrastructure de 2003 à 2013 que de 1962 à 2002.
Cet investissement massif de l’état est jumelé à une grande politique de redistribution sociale qui représente 28% du PIB en 2012 et une augmentation du salaire de la fonction publique. Les Algériens vivent mieux. Leurs dépenses ont été multiplié par trois en à peine quinze ans, alors que le chômage recule; passant officiellement sous la barre des 10%.
Cette amélioration du niveau de vie et du PIB de l’Algérie serait essentiellement du fait de la manne pétrolière, conséquence directe de la hausse du prix du baril de pétrole depuis 2003. La vente de gaz a permis au pays d’engranger 550 Milliards de dollars ces quinze dernières années.
Forte de ces recettes, l’Algérie a pu rembourser une grande partie de sa dette internationale, réduire les inégalités sociales, améliorer le quotidien des Algériens, sans compter la stabilité politique que l’état aurait instauré en achetant la paix sociale grâce à l’argent du gaz.
Néanmoins derrière cette embellie économique se cache une triste réalité, celle d’un mirage qui pourrait bientôt prendre fin en même temps que la fin des réserves gazières du pays.
En effet, le développement massif des infrastructures et l’accroissement du niveau de vie, font que la consommation domestique d’énergie électrique augmente de 9% par an, couplé à une production de gaz qui au mieux se maintiendra jusqu’en 2030.
Le volume d’hydrocarbure produit en 2012 est par exemple 10% inférieur à celui de 2008. De plus, en 2013, l’Algérie a exporté pour 47 milliards de mètres cubes de gaz alors que selon son planning, elle prévoyait en exporter pour 65 Milliards. Quant aux importations, elles sont devenus gigantesques avec 60 milliards de dollars, jumelées à une rente en diminution, Alger pourrait ainsi aller tout droit vers le Mur sans une stratégie importante de diversification économique. Les études de prospectives montrent en effet un déficit public considérable dès 2016!
COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE
Le problème fondamental de l’Algérie, serait que bien que certaines élites aient pris conscience de la nécessité de mettre en place une stratégie de diversification économique, cette prise de conscience intervient beaucoup trop tard.
Ainsi, du fait de la centralisation de l’économie sur les matières premières et la politique d’achat de la paix sociale rendue possible grâce à la redistribution de la rente, l’Algérie a perdu toute compétitivité économique. Voilà une décennie que l’autorité politique à Alger dépense dans le développement des infrastructures sans penser à réinvestir l’argent de la manne pétrolière dans le développement de l’industrie, l’éducation ou la formation. De plus, le placement des excédents financiers dans les banques occidentales ne serait pas un bon investissement dans la mesure où, malgré les intérêts qu’ils dégagent, ils ne permettent en aucun cas d’assurer l’avenir économique d’un pays de 30 millions d’habitants.
INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS
Les investissements directs étrangers se font rares en Algérie. Ainsi, après cinq ans de négociations le groupe français Total a renoncé à un mégaprojet pétrochimique. De la même manière alors que l’entreprise française Renault produit 50 000 voitures à bas prix à Oran, à Tanger (Maroc), le groupe produit cinq fois plus de voitures dans la même gamme.
L’Algérie plus qu’aucun autre pays devrait mesurer les conséquences d’un revirement économique qui se profile inéluctablement à l’horizon, en effet au-delà du risque de crise économique, c’est une conséquence politique bien plus grave à laquelle Alger risquerait d’être confronté.
POLITIQUE DE L’AUTRUCHE ?
Les années de guerres civiles sont encore dans toutes les mémoires, et de grandes zones d’ombre persistent encore sur la responsabilité de l’armée et celle du FIS. Néanmoins, une chose est sur, et que personne ne remet en cause, c’est que c’est l’échec de la politique économique des socialistes ayant misé à l’époque sur l’industrie lourde qui est à été à l’origine de cette guerre terrible. En effet, une mauvaise prospective économique jumelée à une baisse du prix des matières premières avait amené l’Algérie dans les années 90 a être dans le rouge, précisément ce qui risque de se reproduire d’ici quinze ans.
Lors de ce que l’on a appelé le printemps arabe, l’Algérie est passé à côté de la vague révolutionnaire arabe pour deux raisons: La première est que le souvenir de la guerre civile est encore frais dans les esprits, la deuxième raison est sans aucun doute que l’achat de la paix sociale a dissuadé les jeunes de demander la fin du système politique basée sur l’alliance entre l’Armée et le FLN.
Mais qu’en serait-il dans une quinzaine d’années? Quand le pays sera confronté à une grave pénurie de gaz, que les pouvoirs n’auront plus de fonds pour acheter la paix sociale et que les plus dépourvus, les jeunes qui n’ont jamais connu les années de terreurs seraient confrontés à cette crise? Les deux facteurs garantissant la stabilité politique et la prospérité économique de l’Algérie risqueraient de disparaître. Le pays tente d’oublier les sombres heures de son histoire sans se rendre compte qu’il serait en train de tout mettre en place pour reproduire le même schéma.
Par Anas Abdoun, Volume XII, N°16, page 19, Décembre 2014, Maghreb Canada Express.