‘’On ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse.’’ Georges Clemenceau . Une petite analyse du climat politique que vit notre société en cette période pré-électorale, ici au Canada, donne toute la valeur et la signification à cette citation…
Nous sommes à quelques jours des élections et surtout… Nous sommes en pleine chasse aux sorcières….!
Mais la question que je n’arrête pas de me poser, est celle du silence inquiétant et de l’indifférence de la communauté maghrébine face à ces débats d’idées qu’alimentent les faiseurs d’opinions et les stratèges de la communication des partis politiques et les masses médias…Une équation politico-sociale qui mène souvent à l’abstention.
Une frange électorale scolarisée
Selon les portraits statistiques de la population d’origine ethnique maghrébine qui ont été réalisés en 2006 par la direction de la recherche et de l’analyse prospective du ministère de l’immigration et des communautés culturelles, la population d’origine maghrébine, âgée de 15 ans et plus, présente un profil très scolarisé. Plus de la moitié (52,0 %) des personnes détiennent un certificat, un diplôme ou un grade universitaire, alors que cette proportion se situe à 21,4 % dans l’ensemble de la population québécoise; 41,9 % possèdent un grade Universitaire, comparativement à 16,5 % de la population québécoise. Par ailleurs, seulement 24,7 % des membres de cette communauté n’ont pas dépassé le diplôme d’études secondaires contre 47,3 % de l’ensemble de la population du Québec.
Faible intégration au marché de l’emploi
On dénombre 40.370 personnes d’origine maghrébine au sein de la population active québécoise. Les membres de la communauté maghrébine affichent un taux d’activité plus élevé que celui de l’ensemble de la population du Québec (71,8 % contre 64,9 %) et un taux d’emploi un peu plus faible (58,0 % contre 60,4 %). Cependant, leur taux de chômage est supérieur à celui de la population québécoise (19,2 % comparativement à 7,0 %) !!!
Nous venons des pays où la faiblesse démocratique des régimes successifs ainsi que les fraudes électorales à répétition, ont toujours découragé les plus optimistes et les plus persévérants parmi la population électorale.
Une fois installés au Québec, nous avons trainés ces séquelles et cet état d’esprit qui est la méfiance et la négation de tout ce qui vient de l’appareil étatique, y compris ses outils d’expression démocratique, telle que les élections.
Une immigration encore jeune
D’après la sociologue française Céline Braconnier Co-auteure de « La Démocratie de l’abstention ». L’intérêt pour la politique est traditionnellement plus fort dans les catégories détentrices de capitaux économiques et culturels. Néanmoins, même si elles se sont toujours moins intéressées à la politique, les catégories populaires ont longtemps beaucoup voté en France – c’est même un des traits qui distingue l’histoire électorale française de celle des États-Unis.
La communauté culturelle maghrébine est récente et est relativement jeune par rapport aux autres communautés; libanaise, italienne, grecque, haïtienne…etc., Ces communautés sont bien installées et bien ancrées dans les sphères politiques provinciales et fédérales et ont des députés et mêmes des ministres.
La communauté maghrébine a eu Madame Fatima Houda-Pépin, la seule députée et femme politique d’origine maghrébine, exclue de son parti à la suite du brulant dossier ‘’charte des valeurs’’ et défaite lors des élections du 7 avril 2014. Elle a fait partie des fusibles qui ont sautés suite au surchauffe et l’instabilité du circuit politique qu’a entrainé ledit dossier.
Ça va prendre quelques générations avant la résorption génétique des séquelles héritées des pays d’origine.
Danger existentiel
Les élections d’avril 2014, constituent une exception à mon avis, en plein débat sur la charte des valeurs québécoises, la communauté s’était sentie en danger existentiel et s’est plus impliquée qu’avec le débat actuel sur le Niqab…Des précurseurs et militants des différents réseaux communautaires ont travaillé fort pour faire sortir le vote surtout dans la grande région métropolitaine (Montréal, Laval, Longueuil)…
La polémique sur l’identité et les valeurs québécoises est venue réveiller une défaillance irréductible à l’égard des arabes, des musulmans et des maghrébins…Lé débat ne visait pas l’acceptation de la différence, mais la recherche du semblable.
Selon les statistiques publiées le 27 janvier 2011 par le département Pew Forum on Religion & Public Life du Pew Research Center, on recense 940.000 musulmans au Canada, soit 2,5% de la population totale. Donc mathématiquement parlant, il devrait y avoir 7 à 8 députés, des 308 que compte la chambre des communes !
Faire peser le vote maghrébin dans la balance électorale
À défaut d’avoir nos 7 à 8 députés, alors votons tous le 19 octobre pour les candidats et les partis qui parlent des vrais dossiers et non ceux qui arborent l’éventail de la peur, de la stigmatisation et l’exclusion…
Alors aux urnes, citoyens ! Ne sous-estimez pas votre poids électorale, nous pourrons et nous devrons refaire ‘’le coup’’ d’avril 2014 ! Vos voix peuvent faire la différence…et cessons d’être les dindons de la Farce…
Par Nasser Bensefia
Pour citer cet article ::
Nasser Bensefia, Maghreb Canada Express, Vol. Xiii, N°11, page 4, Spécial Élections, Montréal (Canada), Octobre 2015.
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