Pour ceux celles qui ne le savent pas (et certains algériens et marocains ne sont pas du reste) le Grand Maghreb est une entité régionale formée d’un SEUL peuple que l’impérialisme européen dispersa au fil des temps sur 5 pays; Soit la Mauritanie, le Maroc , l’Algérie, la Tunisie et la Libye.

Pourquoi alors ces pays sont-ils restés séparés malgré l’obtention de leur indépendance ?. Il serait pertinent à ce stade de souligner que parmi les cinq pays, seul le Maroc fut colonisé en même temps par deux pays européens : L’Espagne et la France. Et c’est là le début des problèmes qui vont se répercuter sur le parachèvement de l’union maghrébine par la suite, et ce, par conflit interposé entre Maroc et Algérie.

Deux problèmes majeurs sont à mettre en exergue à ce stade :

1. la guerre des sables

Quand le Maroc obtint son indépendance de la France, seul un traité, reconnu par les deux partis, définit un tronçon de la frontière entre l’Algérie et le Maroc. C’est le traité de lalla Maghnia reconnaissant le tracé du tronçon de frontière entre Saadia (Méditerranée) et Taniat-Sassi (lieu-dit situé au Nord de Figuig). Le reste de la frontière fut désignée par l’appellation vague de ‘’confins algéro-marocains’’ que le Maroc dit vouloir négocier le partage avec l’Algérie indépendante et non avec la France.

Quand l’Algérie obtint son indépendance, pas question pour ses dirigeants de remettre en cause les frontières héritées de la France. Ce fut l’étincelle qui déclencha le premier conflit armé fratricide entre algériens et marocains : La guerre des sables d’octobre 1963 qui dura quelques jours mais dont les retombées séparent les dirigeants des deux pays jusqu’à nos jours.

2. La question du Sahara

L’Espagne rétrocéda les terres, qu’elle spoliait, au Maroc par étapes : en 1956, elle sortit du Nord du Maroc (à l’exception de Ceuta et Mellila et des îles jaafarine). En 1958, elle rétrocéda la région de Tarfaya et en 1969 elle quitta Sidi Ifni.

Et puis, rien , et ce, malgré le fait que le Maroc réclamait , depuis 1956, aux Nations-Unis le retour de Saquia Al Hamra et de Oued Eddahab constituant ce que le Maroc appelle  »Sahara Marocain » et ce que les algériens qualifient de  »Sahara occidental ».

Comme l’Espagne prétend que ce territoire était Terra Nullus, le Maroc demanda un avis à la cour internationale de justice qui fut rendu en sa faveur. D’où l’organisation de la fameuse Marche Verte ayant aboutit à la rétrocession du Sahara en 1975.

Le président algérien Boumediene vit là une opportunité pour ‘’glisser un caillou dans le soulier de Hassan II’’ et se venger ainsi de la guerre des Sables. Il accueillit  à Tindouf les milices du Polisario et, grâce au soutien de Kaddafi, il transforma ces miliciens va-nu-pieds , en quelques mois en une armée plus forte que celle du Maroc. Ce fut en effet le seul ‘’mouvement de libération’’ qui, en un temps record, devint état (sans territoire mais autant en emporte la polémique), dont l’armée apatride possède des chars dernier cri, des missiles sol-air, des véhicules armés de bitubes et de quadritubes  de 14,5 mm devant lesquels les 12,7 mm marocains démodés ne firent pas le poids.

Jamais la victoire contre le Maroc ne fut si à portée de main; d’autant plus que l’armée marocaine était désarmée : Hassan II qui venait d’échapper à deux coups d’états successifs tenait à récupérer le Sahara pour satisfaire son peuple, en répondant à l’une de ses revendications essentielles; soit le parachèvement de l’unité territoriale nationale.. Mais il tenait à le faire sans pour autant faire revivre l’armée de ses cendres. Les attitudes algérienne et libyenne ne lui laissèrent pas le choix. Ce fut la fondation des groupements (dont le plus célèbre est le groupement Ouhoud initié et commandé par le général Dlimi). Résultat ? Refoulement du Polisario hors du Jebel Ouarkziz, de Ras-Al-Khanfra, de la région de Zag, etc… et édification (1980-1987) d’une ligne de défense (le mur des sables) dominant un No-Mans-Land  allant jusqu’à la frontière algérienne et où il n’est pas du tout sain de se promener.

Une période d’accalmie survint ensuite du temps du président algérien Chadli Ben Jdid : Les frontières furent rouvertes en 1988 et là, on put constater que le problème est vraiment entre les dirigeants des deux pays et non entre les algériens et les marocains; tellement l’exode fut spectaculaire de part et d’autre de la ligne des frontières !

L’Espoir de voir le peuple maghrébin renaître des cendres de son histoire coloniale, fut ravivé, une fois de plus, avec la signature, à Marrakech, du traité de l’UMA (Union du Maghreb…) par les 5 dirigeants maghrébins de l’époque; Traité dont les principaux objectifs sont : « renforcer les liens de fraternité qui unissent les États membres et leurs peuples ; réaliser le progrès et la prospérité des sociétés qui les composent et de défendre leurs droits ; s’efforcer d’appliquer une politique commune dans différents domaines ; contribuer à la préservation de la paix fondée sur la justice et l’équité ; et œuvrer progressivement à réaliser la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux ».

Mais l’espoir ne dura que 5 ans car, en 1994 un attentat terroriste dans un hôtel de la ville qui a vu naître l’espoir (Marrakech) poussa le Maroc à imposer le visa aux visiteurs algériens. Alger répondit par la ré-fermeture des frontières terrestres.

Le coup de pouce américain

Entre temps, et avec le retour des Républicains à la Maison Blanche, avec Reagan, le Maroc renforça sa coopération militaire avec les américains . Ce fut le début des manœuvres militaires conjointes dans la région de Draa et Tan-Tan; manœuvres qui d’Aigle d’Afrique, devinrent Lion D’Afrique pour finir par se dérouler cette année en plein territoire dit libéré par le Polisario ; scellant ainsi la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les États-Unis d’Amérique, annoncée par Trump en décembre 2020 en échange de la normalisation des relations avec Israël par le Maroc.

L’Histoire semble en effet s’être accélérée dans cette partie du Monde. Le Polisario qui bloquait le trafic international entre le Maroc et le Mauritanie au lieu-dit Guergarat fut expulsé par l’armée marocaine le 13 novembre 2020, alors que la diplomatie marocaine continue, sur la scène diplomatique, la promotion de sa proposition d’autonomie élargie pour le Sahara .

Conséquence immédiate : le Polisario rompt le cessez-le-feu signé sous la supervision de l’ONU avec le Maroc en 1991. Ce fut un cadeau inattendu pour le Maroc selon certains analystes car ce pays a maintenant, et entre autres, les mains libres pour agir à sa guise dans la zone jadis démilitarisée du Sahara.

De son côté, l’Algérie continue de multiplier ce que le Maroc qualifie de provocations et de menaces de guerre aboutissant à une rupture unilatérale de ses relations diplomatiques avec le Royaume chérifien, (24 août 2021) puis à la fermeture de son espace aérien aux trafic aérien marocain ( 22 septembre 2021) pour finir par la fermeture, le 31 octobre 2021, du gazoduc Maghreb Europe (GME) reliant l’Algérie à l’Espagne à travers le territoire marocain. Ceci sans oublier l’animosité contre tout pays encourageant la proposition  marocaine d’autonomie élargie pour le Sahara;  Attitude qui fait paraître Alger de plus en plus comme la principale partie contre le Maroc dans ce conflit vieux de 47 ans.

La seule réaction officielle marocaine face à cette escalade, jamais vue entre les pays voisins  fut : ‘’Si l’Algérie veut la guerre, nous , nous n’en voulons pas’’.

Tout montre qu’effectivement l’Algérie veut en découdre (militairement) avec le Maroc. Alors pourquoi le Maroc ne répond-il pas ? A-t-il peur de la force de frappe de l’armée algérienne considérée comme la plus forte dans la région ?

Ce serait peu probable car la force de l’armée d’un pays qui ne fabrique pas ses propres armes ne réside pas dans la diversité ni dans la puissance des armes que ce pays stocke, boîtes noires du fabriquant obligent : Kaddafi et Saddam Husein, que Dieu les ait en sa sainte miséricorde, en savent quelque chose ; eux dont les missiles payés à coups de millions de dollars n’ont jamais pris leur envol le moment crucial venu.

La force d’un pays ne fabriquant pas ses propres armes résiderait plutôt dans la force et la fiabilité de ses alliances militaires. Sa force résiderait aussi, non dans le nombre d’avions, de missiles et de drones , mais dans le nombre de pilotes , de techniciens et d’informaticiens ainsi que dans la qualité de leur formation et de leur performances; aussi bien sur simulateurs qu’en opérations réelles.

En clair : Ne pas passer pour l’agresseur sur la scène internationale, ouvrir le pays à l’investissement, diversifier les partenariats gagnant-gagnant avec ses alliés et non alliés et surtout éviter de mélanger politique et économie. C’est ce que le Maroc serait en train de faire aussi bien au Sahara qu’ailleurs. Et en cas de conflit, où il ne sera pas l’agresseur, il ne manquera ni d’armes, ni de munitions, ni même … de combattants.

Par Abderrahman El Fouladi pour Maghreb Canada Express, Vol. XX, N°08 , page 03, MOIS D’AOÛT 2022 .

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