Tina Turner nous a quitté le 24 mai dernier, et dans ces lignes je n’évoquerai pas sa fortune, ni sa longue maladie ou son histoire avec ses enfants. La chanteuse faisait partie de ma vie et de celle de tous les jeunes de ma génération qui aimaient les belles voix et le Rock des années 1960.

Nous étions des jeunes boutonneux au lycée, et parmi mes camarades, il y avait ceux qui ne juraient que par Diana Ross, et les autres dont je faisais partie qui avaient une passion pour Tina Turner.

J’ai encore en mémoire une vidéo de son spectacle à l’Olympia à Paris avec son mari de l’époque Ike Turner, grand guitariste, mort d’une overdose en 2007.

L’interprétation de la chanson «Proud Mary» qu’elle chantait avec ses tripes me donnait la chair de poule. Elle la chante mieux que personne, une voix incroyable indescriptible qui déchirait l’épiderme. Une vraie Diva.

Récemment tout le monde est monté au créneau pour distribuer les couronnes à la diva, et dire à quel point elle était géniale.

N’oublions pas que Tina Turner a connu une traversée du désert dans les années 1970, et il a fallu attendre les années 1980 pour la voir revenir sur scène. Et je trouve dévalorisant de lui coller l’étiquette de la reine du rock, comme si sa vie a suivi une ligne rectiligne et la résumer en trois mots.

Dans son article du 25/05/23 sur Tina Turner, Emmanuel Tellier écrit : « Les tubes de Tina Turner sont des coups de poing sonores : on peut les éviter, les esquiver, mais quand tombe We Don’t Need Another Hero (1985), on ne peut qu’être sonné. Elle chante trop fort pour ça, elle danse comme si sa vie en dépendait, et à la télévision, dans ces émissions de variété où elle excelle et prend la lumière comme personne (ce jeu de jambes affolant !), on ne voit qu’elle… Aurions-nous pu savoir, nous, les jeunes cons prétentieux qui pensions que Morrissey et les Smiths allaient rendre la vie plus belle, que la chanteuse américaine avait eu une première carrière mouvementée du côté du meilleur Rythm N’ Blues américain, et par exemple travaillé avec Phil Spector sur le merveilleux single River Deep- Mountain High en 1966 ? Aurions-nous pu savoir que son passé douloureux (Turner fut une femme battue, abusée, traumatisée) ressortait, consciemment ou pas, dans ses performances vocales si puissantes et habitées ? »

Les chansons de Tina Turner m’accompagnent partout, que ce soit dans ma voiture, au travail, dans les supermarchés ou les centres commerciaux. Sa voix est unique, une voix qui sonne comme une promesse et qui nous aide à affronter le quotidien et les moments difficiles.

Elle aimait le Sud de la France

Comme Nina Simone qui a vécu une grande partie de sa vie à Marseille, Tina Turner a découvert le Sud de la France grâce à son manager, qui, dans les années 1990, lui a fait découvrir ce petit coin de paradis chaleureux, où rayons du soleil et épines de pins se rencontrent. Elle loue pour la première fois une petite maison rose, située au sommet d’une montagne. Et depuis, la France ne l’a jamais quittée, et elle non plus.  Elle admirait le classicisme de la Grèce et de Rome. Grande collectionneuse d’art chinois, elle étudiait aussi le bouddhisme et avait besoin de se sentir connectée dans chaque pièce de sa maison.  Le sud de la France, la côte d’Azur, la Riviera ou encore la côte méditerranéenne, tous ces noms pour un seul lieu dont Tina Turner était tombée amoureuse. Le sud l’aura marqué et elle l’aura marqué à son tour.

Tina Turner a enchainé plusieurs tubes dans sa carrière, mais en tant que mélomane,c’est la chanson «Proud Mary». Avec son mari Ike, Tina Turner, cette chanson devient une balade du bayou connue également sous le nom de « Rolling on a River » et composée deux ans plus tôt par le groupe Creedence Clearwater Revival (1969).

Sur le clip original de 1971, on voit Ike en arrière-plan avec sa guitare, boule afro et torque doré autour du cou, et Tina, cheveux lissés et robe courte de perles blanches, derrière le micro. Le duo démarre « joliment et en douceur » puis se muscle, au fil des secondes, en cadence funk-rock teintée des accents gospels de Tina.

La chanson, sur les tonalités des rythmes sudistes, raconte comment une domestique quitte son travail de plongeuse à Memphis et à la Nouvelle-Orléans et s’embarque sur un gros bateau à vapeur descendant le Mississippi.

Nombreuses fois repris par différentes formations, ce classique du répertoire américain a été un fil rouge dans la carrière de Tina Turner. Son duo flamboyant avec Beyoncé en 2008 pour les cinquante ans des Grammys est devenu légendaire.

A l’heure où je termine cet article quelqu’un de l’autre côté du Globe est en train d’écouter «Proud Mary», «What’s Love Got To Do With It», « We Don’t Need Another Hero »ou «The Best».

Tina Turner est partout, les légendes ne meurent jamais !

Par Mustapha Bouhaddar pour Maghreb Canada Express , Vol. XXI, N°05, Page 6, Édition de Mai_Juin 2023.

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