Pour l’instant c’est une information qui circule, mais ne soyons pas naïfs. Même s’il y a eu précédemment un président noir américain, ou un premier ministre d’origine indienne en Grande Bretagne, la France n’est pas prête à voter pour un premier ministre d’origine maghrébine. Il ne faut pas oublier que l’extrême droite est omniprésente dans le milieu politique français, sans compter le parti politique « Reconquête » présidé par l’inoxydable Eric Zemmour qui hait les étrangers de confession musulmane.

Le maire socialiste de Saint-Ouen Karim Bouamrane, dont le nom circule pour Matignon, s’est dit ce vendredi 30 août « en capacité » de devenir Premier ministre en construisant des « compromis », mais a laissé entendre qu’il aurait besoin du feu vert préalable de son parti, et plus largement du Nouveau Front populaire.

Il a affirmé sur TF1 ‘’n’être candidat à rien du tout ». Puis il a ajouté: « Si mon téléphone sonne, (…) si le président de la République me dit ‘Bonjour, M. Bouamrane, vous souhaitez devenir Premier ministre?’, je prendrai l’information et je me retournerai vers ma formation politique (…) le Parti socialiste, et je vais discuter exactement des moyens pour pouvoir y arriver ».

Comment y parvenir ?

Pour Karim Bouamrane, l’idéal serait que « le Parti socialiste, le Parti communiste, le parti écologiste et toutes celles et ceux qui constituent le Nouveau Front populaire trouvent un compromis. Et il faudrait ouvrir le dialogue avec les formations républicaines.

« On ne peut pas arriver aujourd’hui uniquement avec une vision monolithique« , a souligné le maire de Saint-Ouen, qui dit avoir eu des contacts avec l’Élysée pour présenter aux proches du président ses « idées, (sa) façon de voir les choses ».

« Quand on est responsable politique, on est tout le temps prêt« , a-t-il poursuivi. À la question « est-ce que vous, vous êtes en capacité de pouvoir épouser ce type de fonction ? La réponse est oui », a-t-il ajouté, tout en assurant qu’il n’attend pas un coup de téléphone de l’Élysée le matin en se rasant.

Le nom de Karim Bouamrane comme potentiel Premier ministre a été évoqué ces derniers jours par des sources proches de la Macronie, au même titre que d’autres représentants de la gauche modérée, comme l’ex-Premier ministre Bernard Cazeneuve ou le maire socialiste de Montpellier, Michaël Delafosse.

Le parcours de Karim Bouamrane

Karim Bouamrane est une figure montante de la politique française, particulièrement reconnu pour son engagement en faveur de sa ville natale, Saint-Ouen. Né en 1976 dans une famille d’origine marocaine, il a grandi en Seine-Saint-Denis, un département marqué par sa diversité et ses défis socio-économiques. Dès son jeune âge, Bouamrane se distingue par sa détermination et son désir de contribuer au développement de sa communauté.

Après avoir obtenu son baccalauréat, Karim Bouamrane choisit de poursuivre des études en informatique, un domaine en plein essor dans les années 1990. Il se spécialise rapidement en sécurité informatique, attiré par les enjeux de protection des données et de cybersécurité, des domaines critiques à l’ère numérique.

Sa formation solide lui ouvre les portes du secteur privé, où il commence une carrière marquée par des postes de responsabilité dans des entreprises de renom.

Une carrière dans le secteur privé

Karim Bouamrane débute sa carrière chez RSA, où il occupe le poste de directeur des ventes de 1999 à 2001. Cette première expérience lui permet de se familiariser avec les aspects commerciaux et stratégiques du secteur de la sécurité numérique. Il poursuit ensuite son ascension chez Coredo Networks Security (2001-2005), avant de rejoindre Aruba Networks en tant que directeur des ventes jusqu’en 2012. Chez Aruba Networks, il joue un rôle clé dans l’expansion de l’entreprise en Europe, renforçant son expertise en gestion et développement stratégique.

En 2012, Bouamrane devient vice-président chez Xirrus, où il supervise les opérations liées à la sécurité informatique, contribuant ainsi à l’innovation dans les solutions sans fil. Sa carrière se poursuit chez Guidance Software en tant que directeur channel EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique) de 2015 à 2017, avant de rejoindre Bitglass comme directeur pour l’Europe du Sud. Dans ce rôle, il est responsable de l’adaptation des solutions de sécurité des données en nuage aux besoins des clients européens, consolidant ainsi sa réputation dans le secteur.

Engagement politique : de la technologie à la mairie

Fort de ses succès dans le secteur privé, Karim Bouamrane décide de s’engager en politique pour apporter son expertise et sa vision au service de sa communauté. Il rejoint le Parti Socialiste (PS) au début des années 2000, où il s’implique activement dans les campagnes locales et nationales, particulièrement sur des thématiques liées à la jeunesse, l’éducation, et l’insertion professionnelle.

En 2008, Bouamrane est élu au conseil municipal de Saint-Ouen, où il assume divers rôles, dont celui d’adjoint au maire chargé du développement économique et de l’emploi. Cette position lui permet de travailler directement sur des projets visant à améliorer les conditions de vie des habitants de sa ville natale, un engagement qui renforce sa popularité et son influence politique locale.

En 2020, Karim Bouamrane est élu maire de Saint-Ouen, concrétisant ainsi son rêve de diriger la ville où il a grandi. Sous sa direction, la municipalité se concentre sur des politiques de développement durable, de rénovation urbaine et d’inclusion sociale. Bouamrane met également un point d’honneur à renforcer la participation citoyenne, en créant des dispositifs pour faciliter le dialogue entre la mairie et les habitants.

Sa gestion est marquée par une volonté de transformation profonde de Saint-Ouen, avec des projets visant à moderniser les infrastructures tout en préservant l’identité locale de la ville. Bouamrane se positionne ainsi comme un leader visionnaire, capable de concilier développement économique et justice sociale.

Mais est ce suffisant quand on est d’origine étrangère et de confession musulmane pour briguer un poste de premier ministre dans un pays où l’extrême droite antisémite, xénophobe, homophoble et raciste règne en maître ?

Pourquoi pas ! Il faut croire aux miracles.

Par Mustapha Bouhaddar, pour Maghreb Canada Express, Vol. XXII, N°07, page 4, Édition Septembre 2024

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