Par Abderrazaq MIHAMOU(1) (Maroc)

La France est, une fois de plus, plongée au cœur d’une crise politique aiguë. Au 6 octobre 2025, la fonction de Premier ministre est vacante suite à la démission éclair de Sébastien Lecornu, acceptée par le Président Emmanuel Macron. Après seulement 27 jours passés à Matignon, M. Lecornu établit un nouveau record de brièveté pour un chef de gouvernement sous la Cinquième République. Cette instabilité spectaculaire, marquée par la succession rapide de Premiers ministres (le cinquième en deux ans selon certaines analyses), soulève une question fondamentale : cette situation est-elle le signe de la robustesse et du courage de la démocratie Française , capable de se confronter sans fard à ses blocages, ou bien la manifestation d’une limite structurelle et d’une paralysie grandissante ?

L’Expression d’un Courage Démocratique ?

D’un point de vue optimiste, la succession des démissions et des remplacements rapides peut être vue comme l’illustration que les institutions de la Ve République, bien que mises à rude épreuve, fonctionnent. Le Président de la République, bien que très puissant, se voit contraint d’acter l’échec de ses tentatives de majorité et de renouveler l’équipe gouvernementale face à une Assemblée nationale fragmentée.

  • Responsabilité Prise : La démission est un acte politique fort. Elle signifie que le Premier ministre, face à l’impossibilité de gouverner efficacement, à l’absence de majorité claire, ou à l’hostilité de l’opinion et des forces politiques, choisit de remettre son mandat plutôt que de s’accrocher au pouvoir. C’est un reflet direct de la réalité du terrain politique.
  • Vitalité du Débat : Ce climat force la transparence. Il met en lumière les lignes de fracture, les incohérences et les tensions au sein de la classe politique, obligeant les acteurs à se repositionner et à clarifier leurs intentions.

Le Spectre des Limites Démocratiques

Toutefois, l’instabilité actuelle porte en elle les signes d’une profonde limite du système. La vacance de Matignon n’est pas un moment de débat serein, mais une période d’incertitude et de paralysie de l’action publique, en particulier sur des dossiers cruciaux comme le budget et la planification écologique.

  • Crédibilité Affaiblie : La valse des Premiers ministres donne une image de faiblesse et d’impuissance de l’État. Pour les citoyens, le gouvernement n’est plus perçu comme une force directrice capable d’assurer la stabilité et la mise en œuvre des réformes à long terme. La confiance dans les institutions s’érode:
  • Bloque Majoritaire : Le cœur du problème réside dans l’absence de majorité absolue ou de coalition stable à l’Assemblée Nationale. L’incapacité du bloc central à nouer des alliances durables avec les oppositions (ou même à maintenir l’unité en son sein) mène inéluctablement à une impasse législative et, par ricochet, exécutive. L’Article 49.3, souvent brandi, est un outil de force qui ne remplace pas la légitimité d’une majorité.
  • Usure du Pouvoir : Le Président Macron se retrouve isolé face à une crise de régime larvée. Le fait qu’il ne parvienne plus à trouver un Premier ministre capable de durer, même après une dissolution en 2024, indique que le problème n’est pas seulement l’homme ou la femme nommé(e), mais bien la configuration politique du pays.

Quel Avenir pour l’Exécutif ?

L’urgence est désormais à la nomination d’un nouveau chef du gouvernement. Le Président a plusieurs options, toutes risquées :

  • Nommer un Technocrate : Un profil hors-parti, souvent perçu comme une tentative d’apaisement, mais dépourvu de base politique forte.
  • Tenter une Nouvelle Alliance : Chercher une personnalité capable de rallier une majorité plus large, à droite comme à gauche, ce qui semble de plus en plus difficile.
  • Une Nouvelle Dissolution : La solution la plus radicale et la plus risquée. Si elle échoue à donner une majorité claire, elle ne ferait qu’aggraver la crise.

Le vide de Matignon au 6 octobre 2025 est un moment de vérité. S’il est une preuve que les acteurs politiques se refusent à faire semblant, il est surtout le signal d’alarme le plus évident de l’ingouvernabilité croissante de la France. La démocratie est courageuse lorsqu’elle se réforme pour surmonter ses impasses. Elle montre ses limites lorsqu’elle s’épuise dans la succession stérile de démissions et de crises, sans parvenir à trouver la voie de la stabilité nécessaire à l’action. La balle est dans le camp du Président, qui doit maintenant faire le choix d’un remède institutionnel à la hauteur de la maladie politique.

(1) Abderrazaq MIHAMOU est :

  • Fondateur et past president  Optimist international Club Maroc 
  • Expert  Digital  & Organisation
  • Coach professionnel certifié
    Directeur Fondateur du Groupe Eclisse
  • Chroniqueur dans plusieurs journaux et Magazine
  • Ex Professeur de la gouvernance du Sport ENCG Casablanca

GSM / Wathsapp +212600599738 Wathsapp Canada +514 241 8483

By AEF