Par Dr. Brahim Benyoucef, Expert consultant en urbanisme et en Sciences sociales

 brahim benyoucefDes voix s’élèvent par ci et par là en faveur d’actions de boycott, comme moyen de pression. Oh que c’est aberrant et à contre sens. Le boycott, viendrait tout simplement confirmer l’exclusion.

Oui pour le principe de s’opposer à la Charte de la discrimination et de la division, mais pas avec n’importe quel geste. Il faut faire attention à la démarche, à l’approche et à l’esprit avec lesquels l’action va être menée, afin de bien faire entendre sa voix. L’esprit de l’action et la façon de faire font toute la différence.

Le Canada en général et le Québec en particulier demeurent des terres d’accueil, de tolérance et de diversité.

Des terres où il fait bon vivre. Ça, c’est la réalité qu’il ne faut pas perdre de vue. Maintenant, si des partis politiques pour des manœuvres politiciennes et électoralistes, trouvent refuge dans la diversion et la division, ceci ne doit en rien être attribué, ni à la culture du pays, ni à la culture de ces sociétés, mais plutôt à une conjoncture de détresse politique. Ce n’est pas une raison de perdre de vue les vrais fondements de la culture de ce pays, qui demeure l’un des plus tolérants et là où il fait bon vivre dans le monde entier.

Notre réflexion et notre action doivent se situer dans ce contexte, comme un rappel à l’ordre que ce pays s’est choisi à travers toutes les étapes de sa construction. Pour s’en assurer, il ne faut pas seulement voir la position du parti au pouvoir, mais la réaction d’une bonne frange de la société, dont les intellectuels, les syndicats (celui des enseignants libres, entre autre..), le manifeste pour un Québec inclusif, les positions des autres provinces et des autres partis aussi bien provinciaux que fédéraux…). Le dernier sondage du 15 sept 2013 démontre une évolution de l’opinion publique de plus 50% favorables à la charte avant sa parution, à moins de 43% après sa parution. Là, c’est l’indicateur de la bonne santé de la démocratie et de la culture d’équité enracinée au sein de ces sociétés, hostiles à la discrimination que la Charte vient révéler.

La frange de la population qui reste favorable à la Charte, demeure celle des régions, issue de milieux sociaux fermés et d’un contexte culturel fraîchement affranchi du pouvoir de l’église et de l’hégémonie sociopolitique d’autrefois. En plus de cela, la non expérimentation de la différence et de l’étranger, la rendent très sensible aux effets de diversion que les médias et les politiques exercent sur son opinion, lorsque celles ci jouent dans le terrain de la polarisation et de la chicane identitaire. Là encore, il revient en partie à soi de travailler cette opinion grâce aux comportements et aux actions qui doivent être de nature à dissiper les préjugés, apaiser les esprits et rapprocher les cultures, qui sont des registres codés et sans l’échange des codes, elles demeurent inaccessibles et laissent libre cours au préjugés et à l’extension des fossés entre des Nous et des Eux.

Donc, replacer le débat dans son contexte, et adopter une action à double direction, soit une action en direction des politiques pour rappel à l’ordre, que cessent les manœuvres minables des chicanes identitaires, de la division et de la discrimination et, une action en direction de l’opinion publique pour dissiper les préjugés et construire une opinion favorable à l’harmonie sociale, à travers ses propos, ses attitudes et ses actions diverses.

Donc, c’est la responsabilité de tous; et nous en avons une grande.

Il faut rester confiant, positifs et conscients des enjeux, des défis et de ses propres responsabilités. C’est aussi une bonne occasion pour faire sa propre autocritique dans le sens de chercher sa part de responsabilité dans cette situation et, son rôle dans son redressement. Donc, jeter le torchon ou fuir le combat pour l’harmonie sociale, n’est que fuite en avant et ne résout en rien la situation.

Comment influencer l’opinion publique, sans s’imposer à elle? Comment manifester dans l’harmonie son opposition à la Charte? Comment travailler efficacement pour infléchir la tendance ? Comment faire pour dissiper le préjugé et faire moins peur à l’autre de la différence que l’on affiche? Comment concilier entre conscience identitaire et engagement citoyen? À t on relevé le défi du leadership pour organiser notre action, de la façon qui lui assure succès et efficacité?

Voila une occasion qui s’offre aussi à soi pour exercer sa propre autocritique et mettre au défi son génie social et son leadership.

On doit dénoncer les sales manœuvres politiciennes et les manipulations médiatiques  qui salissent la diversité et qui perturbent l’harmonie sociale et, aussi on doit agir sur l’opinion publique en faveur de l’harmonie sociale et du bien vivre ensemble.

Si on veut rallier l’opinion publique à la noble cause, on doit manifester son opposition à la Charte non pas d’un point de vue de corps à part, mais d’un point de vue citoyen engagé qui défend les principes universels de justice, d’équité, de droit et de liberté; à partir d’un point de vue citoyen qui doit réussir à mobiliser l’opinion publique et les citoyens de tout bord autour de valeurs d’équité, de droit, de liberté et de lutte contre toutes les formes d’exclusion, de discrimination et de racisme. On doit manifester en faveur de l’inclusion, de l’intégration par l’emploi et dans l’harmonie et en faveur du développement économique et de l’épanouissement social, pour bâtir un Québec inclusif, prospère et épanoui.  On doit concilier conscience identitaire et engagement citoyen.

On doit se prononcer en faveur de principes et valeurs et afficher un avis positif, moins arrogant et une différence moins imposante, si l’on veut faire entendre sa voix.

Du même auteur :  La Charte déposée : Quelle issue?

Oh quel malheur de voir le gouvernement péquiste persister sur la voie de la division, la discrimination et la diversion.

Bien entendu, le geste était prévisible, car il est payant politiquement pour le PQ, qui ne possède plus aucune autre carte, si ce n’est la carte populiste et démagogue de l’identité.

Cependant, la malheureuse charte doit se heurter encore à plusieurs épreuves avant d’espérer voir le jour:

1. d’abord la bataille parlementaire, qui espérant le, sera décisive contre la charte (voir la position contre que le PLQ et Québec solidaire affichent..avec le doute de la CAC qui veut jouer dans le même territoire du PQ et risque de vouloir ne pas décevoir les régions; donc probablement va voter pour avec réserve et après négociation..);

2. La mobilisation citoyenne doit jouer un rôle d’influence de premier ordre pour infléchir le cours des choses et influencer le débat parlementaire. C’est là où le réseautage, le contact des députés, l’envoi de lettres et d’avis, la présentation de mémoires et les manifestations prennent tout leur sens;

3. Si par malheur, la charte est votée, intervient alors la bataille juridique. La commission des droits a déjà émis un avis défavorable; le gouvernement fédéral du Canada promet d’initier une action judiciaire dans ce sens…

4. Tout cela permet de garder espoir que la Charte finirait par être invalidée;

5. Mais malheureusement après avoir enfoncé un clou très profond dans le cœur de la société qui vient perturber son harmonie et créer des divisions au sein de ses composantes. Le PQ, initiateur du projet, lui s’en moque en autant qu’il comble son déficit politique. Il serait alors prêt à aller en élections, ignorant les risques de son geste et ses conséquences.

6. Reste que la mobilisation citoyenne intelligente et inclusive demeure l’espoir et la garante d’une action judicieuse.

 

 

 

By AEF