bakhlissLe premier roman d’Hassan Bakhssis est d’abord un témoignage d’une époque et de ses mœurs, de ses limites, de ses ignorances et de sa violence souvent subie dans le silence et par l’accord tacite des entourages .

Juste le générique annoncé que déjà Hassan percute.  Tambour battant ou plutôt Fquih battant, Hassan Bakhssis, nous fait entrer dans la transe imposée par la percussion qui retentit dans le petit corps des petits garçons qui servaient de caisses de résonnance à la méchanceté de « l’impitoyable maitre » de l’école coranique d’un petit quartier populaire de Mohammedia.

Au-delà du caractère « succes story » du cheminement d’un fils du peuple qui a cru dans ses rêves qui l’ont toujours transporté pour aller s’émanciper et se réaliser vers son devenir, «  La facture » est d’abord un témoignage d’une époque et de ses mœurs, de ses limites, de ses ignorances et de sa violence souvent subie dans le silence et par l’accord tacite des entourages.

Au de là de la bataille consciente et inconsciente pour la réussite et pour le gain d’une place dans l’univers des hommes, Hassan Bakhssis se raconte avec sensibilité et sans complaisance. Le roman crie sans tomber dans la « victimite » geignarde ni dans la plainte pleurnicharde. Avec beaucoup de dignité, l’auteur nous tient la main à travers les âges de son personnage et partage avec le lecteur les savoirs acquis, les déceptions endurées et les découvertes et les rencontres salvatrices parmi les humains qui ne peuvent pas tous être navrants.

Quand la phrase se fait convoi et devient longue, Hassan y gerbe des émois longtemps portés comme un fardeau de tous les petits marocains de la cité Nicolas. La phrase longue devient alors une longue baignade pour purifier les cicatrices. Quand la phrase se veut courte, Hassan prend le contrôle de parole en tant que pédagogue qui explique à la classe comment on peut vaincre la méchanceté des hommes, la pauvreté et les ignorances auxquelles on ferme d’abord la porte pour qu’elle ne dépasse jamais le seuil des âmes.

L’auteur ne geigne pas, ne joue pas au moralisateur mais il se pose la question pourquoi les hommes sont méchants et pourquoi ceux qui sont censés comprendre les enfants, leur faire confiance et les protéger, font dans l’aveuglement volontaires et dans le mutisme qui cautionne l’inacceptable.

Le roman n’est ni une narration tragique, ni une suite dramatique, l’auteur nous y fait gouter à son humour fin et délicat, nous présente avec moult détails des personnages sortis d’un film de Fellini (je pense à la Strada), On sent presque le poisson de Guarmallou et la solitude intimidée de Abdelkrim. On y découvre de belles histoires d’amour et d’humanité et la camaraderie gagnée à force d’honnêteté et d’authenticité.

Avant que le personnage ne traverse la mer pour aller nourrir son esprit, il avait su en allant visiter sur les terres de ses ancêtres dans les montagnes que pour évoluer, des fois il est judicieux de quitter des lieux qui lui rappellent le poids des comportements qui ne tendaient qu’à l’écraser.

Je vous recommande ce roman car il fait partie de La nouvelle littérature marocaine qui ne cherche plus à impressionner l’ancien colon par les tournures alambiquées de la phraséologie mais qui se voudrait un vecteur du partage et de la valorisation des vécus sortis des chaumières des enfants du peuple.

Par Majid Blal.

 Pour citer cet article >>
Source : Maghreb Canada Express, N°04, Vol. XII, Avril 2014, page 16.

 

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