Un pays développé, on connaît ça. Pays sous-développé, j’en sais plus qu’on peut ici imaginer. La démocratie d’humeur des rumeurs par exemple, et le pouvoir magique de l’assiette. Je mange, je vote, peut être je mangerai ! Je dirais du jamais vu ici.

Est-ce que ça nous arriverait dans un avenir prophétique ? Je ne crois pas, mais j’ai des craintes. J’en perçois des signaux tantôt jaunes tantôt rouges, venant de l’univers politique notamment du déroulement des présentes campagnes électorales, paradoxe du progrès démocratique.

Une démocratie vacillante.

Un mot me revient à l’esprit pour qualifier notre démocratie, la girouette. Ca tourne dans un sens imprévisible au grès du vent. Et personne ne posera de question. Je me souviens, l’année dernière nos élus ont voté à l’unanimité une loi 3 établissant la fixité de la date des élections. S’il faut reconnaître que cette loi était imparfaite, entre autres considération faite de l’instabilité conjoncturelle des gouvernements minoritaires, on ne peut ne pas s’étonner de ce que son non-respect n’ait pas suscité de discussion ni nécessité d’explication. On s’entend que la loi est rigide pour les électeurs, mais alors serait-elle flexible lorsqu’elle cible les élus ? Voter des lois qu’on ne respectera pas, ça me semblait être un défaut de pays en retard sur l’état de la démocratie.

À l’école des lumières noires

Le progrès suit la lumière. Dans le noir, il recule. C’est une loi naturelle vieille comme l’humanité. Nos sources de lumières ne sont pas très variées, c’est la religion, le savoir et l’information. Au Québec, un couvercle est constamment posé sur la religion, tandis que le savoir éblouit et subit un rejet aveugle. Ne reste plus que les astres de l’univers des médias, pour éclairer notre vacillante démocratie. Est-ce que notre société se porte-t-elle mieux ? Plutôt inquiétant. Et c’est d’autant plus inquiétant que les médias de masses sont intouchables, et dopés au sensationnalisme. Nos maux viennent de là. En voici deux illustrations.

En 2007 le feu médiatique prit dans une cabane à sucre et enflamma la nation pour une singulière affaire de choc interculturel. S’il fallait des commissions pour toute friction de perception, on s’appauvrirait en un clin d’œil. Le comble, il me semble que cela ne nous ait pas servi de leçon, soit pour resserrer le code de conduite des médias, ou mieux les rappeler à leur plus grand sens d’utilité publique. La révélation hâtive d’un placement bancaire de Mr Couillard à l’île de Jersey, en est la preuve. Pire, la rumeur est montée aux enchères, les médias se la relayant en boucles pour crier scandale, sans au préalable en vérifier la pertinence informationnelle.

Plus tard, pas trop tard, des experts seront mis à contribution. André Lareau, professeur de droit fiscal à l’Université Laval et Jean-Pierre Vidal, professeur à HEC et expert en matière de paradis fiscaux (1) et d’autres ont, la veille du deuxième débat des chefs, expliqué notamment via Radio Canada que le fait évoqué n’est légalement, techniquement et moralement pas une évasion fiscale. Tous affirment par ailleurs que ce fut plutôt bénéfique pour nos finances publiques. Fait sidérant, aucun regret n’a été exprimé et les commentaires à saveurs de salissure n’ont pas cessé. Signe que la lumière du savoir peine à percer les vitrines médiatiques. Plus grave, les chefs ont persisté dans l’erreur, visiblement soucieux de se faire élire coûte que coûte. Qu’est que cela envoie comme leçon d’éthique à la jeunesse à qui on reproche d’avoir décroché de la politique ? « On connaît les médias incendiaires, mais on ne va pas les nommer», fit entendre Françoise David de Québec Solidaire. Innommables, ou intouchables ? Quand les politicien ont peur des médias irresponsables, ça me rappelle l’autre monde à l’envers où les politiciens terrorisent les médias. Ces deux mondes sont malades, et ont besoin d’une cure d’examen de conscience, une sorte d’états généraux.

Par Francois Munyabagisha

Pour citer cet article >>
Source : Maghreb Canada Express, N°04, Vol. XII, Avril 2014, page 7

 

 

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