Par Said Charchira, Auteur, acteur et observateur de la scène migratoire.

charchiraLe flux massif des Syriens et des Irakiens, qui se déroule actuellement doit être regardé en premier lieu, comme un blâmage pour les Arabes. En effet, dans ce drame de flux des millions d’hommes et de femmes faisant le choix contraint de partir pour échapper aux dangers qui les menacent, les gouvernements arabes et particulièrement ceux de la région, portent une grande responsabilité dans la destruction de l’Irak et de la guerre civile qui se déroule en Syrie.

Il ne s’agit pas là, d’hotter la responsabilité aux deux dictateurs Saddam et Assad dans le drame Irakien et Syrien, mais force est de constater, que se sont ces régimes, qui ont non seulement, adhéré à la collation illégitime dirigée par les USA et qui ont mis leurs bases aériennes à leur disposition pour l’invasion et la destruction d’un pays frère, mais ont également fourni, dès les premiers jours des manifestations pacifiques en Syrie, des armes pour les rebelles et continuent de le faire, pour semer le chaos. De ce fait, ces pays et principalement l’Arabie Saoudite, portent une responsabilité historique dans le cycle de violences et de destructions qui ravage les deux pays, ainsi que dans le financement de la dictature militaire en Egypte.

Le chaos socio-politique et économique en Syrie et en Irak où se mêlent les violences des conflits, de l’insécurité et de la misère, qui continue d’engendrer des mouvements de populations vers l’Europe occidentale, ne semble pas les concernés. Ils se considèrent peut être, étrangers à l’égard du drame des millions de personnes, qui prennent tous les risques pour fuir le chaos auquel, ils ont contribué à semer.

Pourtant, dans le discours officiel de ces pays, on continue de parler de l’OUMMA Arabo-Islamique. Alors, ces millions de Syriens, d’Irakiens et de Libyens, ne sont-ils pas de l’OUMMA ? ou alors, c’est ces régimes qui n’ont rien avoir avec l’arabité et l’Islam. Il est permis d’en douter.

En effet, si l’émotion causée par les images et les histoires largement diffusées par les médias a réveillé et révélé l’attachement de très nombreux citoyens des pays européens à la solidarité internationale, les gouvernements de ces riches pays, occultent la notion de solidarité et de fraternité qui a de tous les temps, fondé le meilleur de la société arabo-musulmane.

N’est-il pas temps, que le monde arabe, prenne conscience en déjouant les idées toxiques et en répondant aux inquiétudes et malheur de ces personnes, avec qui, il partage la religion, la culture, la langue et l’histoire ? N’est-il pas temps de saisir ce contexte historique pour comprendre le sens de la solidarité, des guerres et de l’exil ? Car ces millions de personnes ne quittent pas leur pays et leur famille sans raison.

C’est pourquoi, la solidarité avec le sort de ces millions de personnes, ne peut se résumer au discours, mais se traduire par la capacité du monde arabo-musulman à redonner toute sa valeur à la solidarité de l’OUMMA. Il est de la responsabilité et du devoir de ces gouvernements de répondre aux besoins urgents de ces populations en situation de détresse. Car à l’exception de la Jordanie, qui accueille plus d’un million et demi et la Turquie presque de deux millions et demi, les riches monarchies du Golf ne font presque rien pour venir en aide à leurs frères de Syrie, d’Irak ou de Libye.

Aujourd’hui, la succession de drames et de situations déplorables et inacceptables aux frontières de l’Europe, imposent aux pays arabes et musulmans de se poser la seule question qui vaille, à savoir: est-il humainement et politiquement défendable de ne pas réagir devant ce drame des millions de leurs frères arabes et musulmans ? Il me semble, que le contexte exceptionnel du moment devrait être l’occasion, pour ces pays de donner un sens à la notion de solidarité de l’OUMMA, qu’ils ne cessent de chanter à chaque occasion.

Ce n’est ni naïf, ni angélique de poser ces questions aujourd’hui. Au contraire il devient nécessaire de donner un sens aux valeurs de solidarité en ce qui concerne la défense de la dignité et des droits humains. Car, dans ce drame, les pays arabo-musulmans et principalement ceux de la région ont une responsabilité particulière, au regard des valeurs auxquelles ils prétendent appartenir. C’est une question d’éthique politique pour l’ensemble du monde arabo-musulman.

Par ailleurs, les Pays du Moyen-Orient et particulièrement l’Arabie Saoudite, devraient comprendre, qu’on est aujourd’hui bien loin de la rhétorique de « l’axe du mal », de Georges Bush depuis le 11 septembre 2001. Désormais, l’idée selon laquelle l’Iran est devenu une force de stabilité dans la région du Moyen Orient, ne fait plus de doute. En effet, ni le discours enflammé de Benyamin Netanyahou devant le Congrès américain, le 3 mars dernier, ni les combats d’arrière-garde des disciples néoconservateurs européens, ne sont parvenus à prévenir ce renversement des mentalités et des alliances.

L’irruption de la Russie sur le champ de bataille syrien et qui a réussi dans la foulée a organisé une réunion en présence des Etats-Unis, Russie, Arabie saoudite, Iran et Turquie, sur « le processus politique », censé régler la crise syrienne est une belle illustration. Souhaitons que cette initiative puisse réussir pour mettre fin au drame Syrien. Mais d’ores et déjà, Saoudiens et Iraniens devraient cesser d’alimenter les divisions entre Sunnites et Chiites et négocier pour mettre fin à ce conflit, vieux de 14 siècles.

By AEF