L’objectif de la justice comme équité est de procurer une base philosophique et morale acceptable aux institutions démocratiques, et donc d’aborder la question de savoir comment les revendications de liberté et d’égalité doit être comprises.

On suppose que dans une société démocratique, les citoyens comprennent au moins implicitement ces idées (culture politique publique, tradition d’interprétation de sa Constitution, et de ses lois fondamentales …..) comme le montrent les discussions politiques quotidiennes, des débats sur le sens et le fondement des droits libertés constitutionnelles …

Revendiquant  sans cesse le caractère égalitaire de sa conception politique libérale de la justice, John Rawls rappelle que la justice comme équité est élaborée pour une société destinée démocratique, et que l’objet premier de cette justice politique est la structure de base (institutions politiques et sociales) qui est conçue comme système ordonné de coopération sociale équitable où la conception politique est affirmée par un consensus par recoupement raisonnable.

Ainsi, l’idée d’une citoyenneté libre et égale est évoquée

L’espoir d’une telle conception politique de justice est censée être valable pour un régime démocratique, où règne un pouvoir libre et égal et incluant le fait du pluralisme raisonnable qui parvient à formuler des valeurs et principes de justice partagés : Le fait qu’il y a pluralisme raisonnable implique qu’il n’existe pas de doctrine englobante sur laquelle tous les citoyens s’accordent.

Ainsi, les principes de la justice acceptés dans la position originelle sont tels que des gens engagés dans des institutions qui y satisfont peuvent exercer leur coopération dans des termes sur lesquels ils sont d’accord comme étant des personnes égales et libres.

Les principes de la justice  sociale

Ces principes fournissent un moyen de fixer et spécifier certains droits, certaines libertés et des devoirs en définissant la répartition adéquate des bénéfices et des charges de la coopération sociale et permettent aux citoyens de faire un usage essentiel et efficace de leurs libertés.

Ces principes seront les plus appropriés pour régir et gouverner les inégalités socio-économiques des citoyens qui concernent leurs perspectives de vie, c’est-à-dire qui visent à rendre compatibles le respect des libertés individuelles et la réduction des inégalités. Ces deux principes sont les suivants :

Principe de liberté : il suppose que les individus disposent tous de la plus grande liberté possible compatible avec celle des autres, c’est-à-dire qu’ils doivent bénéficier d’un droit égal pour tous aux libertés de base à savoir : liberté d’expression, liberté d’aller et de venir, liberté religieuse, droit de vote et d’éligibilité, … ).

Principe de différence : il affirme que les inégalités économiques et sociales doivent être à l’avantage des individus les plus défavorisés et être associées à des emplois (positions ouvertes) accessibles à tous dans le cadre d’une juste égalité des chances.

Ces deux principes sont hiérarchisés : le principe de liberté prime sur le principe de différence.

Rawls rejette ensuite l’idée de justice attributive parce qu’elle est incompatible avec l’idée fondamentale qui organise la justice comme équité : celle d’une  société conçue comme un système de coopération équitable au cours du temps.

Évoquant le problème d’une justice distributive qu’il nomme « justice procédurale du contexte social » en posant la question de comment  préserver, au cours du temps, d’une génération à la suivante, un système équitable, efficace et productif de coopération sociale. C’est le cadre institutionnel qui constitue le cadre de la coopération équitable car il n’existe pas de critère de distribution en dehors de ce contexte institutionnel qui doit fonctionner de façon à ce que la propriété et la richesse restent assez dispersées (réparties) au cours du temps pour que soient préservées, d’une génération à la suivante, dans un cadre équitable des libertés politiques et l’égalité équitable des chances.

La justice distributive a pour fonction, d’indiquer que certaines règles doivent être intégrées dans la structure de base et conçues pour rendre probable que les inégalités économique et sociales contribuent efficacement au bien-être des membres les plus défavorisés de la société.

La structure de base comme objet 

Toute société moderne, même lorsqu’elle est bien ordonnée, doit compter sur certaines inégalités pour être bien conçue et organisée. Qu’elles sont alors les inégalités qu’elle autoriserait ou celles qu’elle chercherait particulièrement à éviter ? La justice comme équité s’intéresse aux inégalités entre citoyens en terme de perspectives de vie lorsque ces dernières sont affectées par leur classe sociale d’origine, leurs dons innés et en fin leur bonne ou leur mauvaise fortune.

Les institutions de base doivent éduquer les citoyens d’une société bien ordonnée pour qu’ils se reconnaissent mutuellement comme libres et égaux. Cette tâche relève du rôle élargi d’une conception politique.

Nous évaluons nos perspectives de vie en fonction de notre place dans la société et élaborons nos perspectives de vie en fonction de nos buts et objectifs à la lumière des moyens et des possibilités dont nous pouvons nous attendre à disposer en étant réaliste.

On ne doit pas supposer à l’avance à l’avance que les principes qui sont raisonnables et justes pour la structure de base sont également raisonnables et justes pour les institutions, les associations, et les pratiques sociales en général.

La structure sociale, en tant que régime social et économique n’est pas seulement un dispositif qui satisfait des désirs et des aspirations dans le futur. Nos capacités et nos talents réalisés, comme notre conception de nous-même, nos objectifs et ambitions, sont le reflet de notre histoire personnelle, des possibilités qui nous sont offertes et de notre position sociale, ainsi que de l’influence de la bonne et de la mauvaise fortune.

Qui sont les plus défavorisés ?

Il y a lieu de commencer d’abord par définir les biens primaires. Ces derniers sont définis, dans les conditions normales de l’existence humaine, dans une société démocratique, comme des choses dont les personnes ont besoin et qui leur sont nécessaire, dès lorsqu’on les considère comme des citoyens et des membres pleinement coopérants de la société, et non pas seulement comme des êtres humains vus indépendamment de toute conception normative.

La liste de biens primaires repose sur les faits généraux et les exigences de la vie sociale, mais également dépend d’une conception politique de la personne considérée comme libre et égale, dotée de ces deux facultés morales et capable d’être un membre pleinement coopérant de la société. 

On distingue cinq sortes de biens :

  1. Droits et libertés de base, considérés comme conditions essentielles pour le développement adéquat ;
  2. Liberté de mouvement et de choix d’une occupation ;
  3. Pouvoirs et prérogatives attachés aux fonctions et aux positions d’autorité et de responsabilité ;
  4. Le revenu et la richesse considérés comme des moyens polyvalents ;
  5. Les bases sociales de respect de soi-même.

Les biens primaires sont définis en référence aux caractéristiques objectives des conditions sociales des citoyens et que ces caractéristiques sont publiquement accessibles.

Dans une société bien ordonnée dans laquelle les droits et les libertés de base des citoyens ainsi que l’égalité équitable des chances sont garantis, les plus défavorisés sont ceux qui appartiennent à la classe de revenu dont les attentes sont les plus faibles. Ainsi, pour que les inégalités de revenu et de richesse puissent bénéficier aux plus défavorisés, il faut sélectionner le système de coopération dans lequel ces derniers obtiennent le meilleur sort.

La vision des biens primaires appartient pleinement à la justice comme équité en tant que conception politique de la justice. Les biens primaires sont en conséquence, les biens dont les personnes libres et égales ont besoin en tant que citoyens.

Rôle de la justice comme équité

A cet égard le rôle la justice comme équité c’est d’attirer les gens vers les positions dans lesquelles ils sont les plus utiles du point de vue social ; selon des voies compatibles avec la liberté du choix de l’occupation et l’égalité équitable des chances ; par des principes qui seraient sélectionnés par les citoyens eux-mêmes dès lors qu’ils sont représentés équitablement comme libres et égaux. 

Rawls présente une synthèse de sa conception  politique égalitaire, c’est ainsi, il fait prévaloir deux objectifs : l’un consiste à réajuster les principales idées erronées de la théorie de la justice et l’autre est de mettre en relation, dans le cadre d’une présentation unifiée.

Le rôle d’une conception politique de la justice n’est cependant pas de décrire comment les problèmes doivent être résolus, mis plutôt de présenter un cadre de pensée dans lequel ils peuvent être abordés.

La divergence d’opinion morale et philosophique à l’origine des différences politiques, peut au moins être réduite de manière à pouvoir préserver la coopération sociale entre citoyens sur la base d’un respect mutuel.

Le conflit en question n’est pas seulement enraciné dans les différences d’intérêts économiques et sociaux, mais également dans les oppositions entre des théories générales, politiques, économiques et sociales, sur le fonctionnement des institutions, et dans des visions divergentes des conséquences probables des politiques publiques.

L’espoir pour le futur est que notre société repose sur la croyance que notre monde social permette au moins une organisation politique décente, de manière à ce qu’un régime démocratique raisonnablement juste, quoiqu’imparfait, soit possible.

Par Abdel-Jalil Zaidane,Tanger (Maroc) pour Maghreb Canada Express, Vol. XX, N°04 , pages 14 et 15, AVRIL 2022 .

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