Par Abderrahman El Fouladi

  • Reprise d’un article que j’avais envoyé, à la « Gazette du Maroc », de Beijing le 12 juin 1999 . Ça mérite une relecture : Car… je persiste et signe; en ce qui concerne la Chine !

Quand la Chine se réveillera, le monde pensera…à faire des bonnes affaires!

Avis à ceux qui se sont endormis sur leurs lauriers: La Chine s’est déjà réveillée et le monde commence déjà à trembler …non pas de peur de se faire écraser par la puissance militaire du dernier mastodonte communiste, mais, paradoxalement, de peur de rater l’occasion d’être partenaire de la première puissance économique mondiale du 21ième siècle et de ne pas être présent sur un gigantesque marché taillé à l’échelle d’un continent.

Le secret de réussite réside dans la formule «UN PAYS, DEUX SYSTEMES» qui est plus qu’un simple slogan de propagande et qui est appliquée avec ce machiavélisme dont seuls les chinois ont le secret! Le premier système est celui communiste; destiné à contrôler la destinée d’un peuple d’un milliard 250 millions d’âmes. Ce système consisterait schématiquement à «laisser le fruit pourrir, juste ce qu’il faut, pour mieux le cueillir» et «bien agiter le peuple avant de s’en servir».

Comme illustration de cette politique, il faudrait rappeler les événements de Tian An Men (1989). Au moment où tous les observateurs commencent à prédire la fin du régime chinois, celui-ci avait réagi avec la rapidité de l’éclair et avait étouffé dans un bain de sang l’émeute qui débordait déjà.

Cependant, de telles actions laissent des séquelles et on s’attendait à ce que le dixième anniversaire de ces massacres (4 juin 1999) soit fêté avec éclat et violence à Pékin. Le bombardement de l’ambassade de Chine (en Yougoslavie) a donné l’occasion aux dirigeants chinois de retourner toute cette énergie destructrice contre leurs ennemis et, tel un maître du Kung Fu, ils ont su briser toute tentative de contestation interne, tout en s’assurant une bonne position pour riposter sur la scène internationale. Aussi, pendant presque quatre semaines, les médias chinois, images atroces à l’appui, n’ont cessé de bombarder l’inconscient du peuple chinois et d’aiguiser son orgueil national. Résultat? L’anniversaire de Tian An Men est passé inaperçu, les sympathisants de l’occident se sont vus discréditer, la Chine a rappelé au monde entier son poids sur la scène internationale et les préparatifs pour fêter le 50ième anniversaire vont bon train; ce qui fera du 1ier Octobre prochain un «huge party» de l’an 2000 avant terme!
Sur la scène médiatique internationale, ces actions politiques choqueraient… juste ce qu’il faut pour donner une bonne conscience aux investisseurs occidentaux. Toutefois, quoi de mieux pour faire fructifier un capital, en terre étrangère, et rassurer les investisseurs qu’une stabilité politique à toute épreuve! Or la stabilité du régime chinois n’est plus à démontrer et la maestria avec laquelle la Chine résout ses problèmes internes en serait la preuve irréfutable!

Cependant, ce qui rassure le plus, c’est l’instauration du deuxième système: celui qui permet la création d’îlots capitalistes dans cet océan, disons, socialiste. Ce système pourrait être illustré par l’instauration de «zones économiques spéciales» où des personnes (morales ou matérielles) chinoises s’associent avec des partenaires étrangers selon la formule «coentreprise équitable» (définition des proportions mutuelles dans l’investissement ainsi que dans le partage des risques, des profits et des pertes) ou selon la formule «coentreprise contractuelle» (contrat qui définit l’apport des deux partenaires pour la réalisation d’un projet). En général, et concernant ce dernier point, la partie chinoise fournit la terre et la force de travail. Tandis que le partenaire étranger fournit les fonds, la technologie ainsi que les équipements et le matériel.

Les résultats de ce système sont spectaculaires. A titre d’exemple, et outre le transfert effectif de technologie, les exportations de TEDA (Tianjin Technological Development Area) sont passées de 544000 $ US (1994) à 2 milliards 261 millions 4 US (1998) et ce, en pleine crise financière asiatique! De tels résultats ne laissent aucune représentation diplomatique indifférente, surtout pas celle du Maroc!
Aussi, après la visite «symbole» de Youssoufi, le Maroc, par le biais de son ambassade à Pékin, ne cesse de multiplier les actions aussi bien dans le domaine économique, que dans celui commercial ou culturel. Mais il faut tout d’abord promouvoir le label marocain et montrer aux chinois que le Maroc est plus qu’une ville (Casablanca) mise de l’avant par un classique du cinéma américain!

Pour Mehdi Mimoun, ambassadeur de SM en Chine. Cette promotion doit se faire en langue chinoise car «ce ne sont ni nous même, ni nos partenaires d’ailleurs, que nous voulons convaincre». Donc la moindre des politesses, serait de transmettre le message dans la langue de ce peuple aux traditions millénaires. Aussi, des journaux publiés en chinois, comme le quotidien du peuple (tirant à 3 millions d’exemplaires par jour!) et le Foreign Economic Herald (tirant à 50000 exemplaires), ont été sensibilisés à la cause marocaine. La dernière publication (un dossier de 4 articles) concernant le Maroc vient de paraître la semaine dernière dans le Foreign Economic Herald. Il est à noter que l’ambassadeur du Maroc est le premier ambassadeur du continent africain «à faire la une» de ce prestigieux mensuel destiné à un lectorat composé des dirigeants du pays ainsi que du corps diplomatique accrédité en Chine.

Quant au suivi assuré à la visite de Youssoufi en Chine, l’ambassade marocaine est appelée à gérer, pour cette année, pas moins d’onze missions chinoises, missions qui visent aussi bien la coopération économique, scientifique et commerciale que la recherche de partenariat dans différents secteurs. Il est à souligner, à ce niveau, l’effort déployé par l’ambassadeur de SM (une première en soit) pour inciter les partenaires chinois à prendre dans leurs équipes des étudiants marocains en Chine et ce, aussi bien à cause de leur maîtrise des langues des deux pays que pour le savoir technologique qu’ils ont acquis en Chine. Deux étudiants ont été ainsi intégrés dans des équipes chinoises: l’un en télédétection et systèmes d’information géographique et l’autre dans le domaine de l’énergie nucléaire. A signaler qu’une vingtaine d’étudiants sont installés en Chine. La majorité d’entre eux est boursière du gouvernement de ce pays dans le cadre du programme d’application en matière de coopération culturelle (ratifié le 3/12/98). Faut-il insister sur le fait que les bourses, distribuées par le gouvernement chinois, devraient davantage cibler la formation d’étudiants dans des domaines qui peuvent inciter le secteur privé marocain à se tourner vers le marché chinois? Car le secteur public ne saurait à lui seul tirer tout le bénéfice qui revient au Maroc de la coopération avec la Chine!

La BMCE semble avoir compris cette problématique et elle vient de poser le premier jalon, du secteur privé marocain en terre chinoise, pour accomplir une mission en harmonie avec les efforts diplomatiques marocains. En effet, et d’après Adil Zellou, représentant de cette banque à Pékin, la mission de la BMCE en Chine vise, entre autres:
– La promotion du commerce extérieur en assistant et conseillant les importateurs et exportateurs, des deux pays, dans leur recherche de partenaires, en organisant des missions d’affaires, en développant des relations avec les banques et les compagnies chinoises et en informant le siège central sur les tendances ainsi que sur les opportunités en marché chinois;
– L’information des entreprises chinoises sur les opportunités économiques et financières offertes par le Maroc et l’octroi des lignes de crédits aux investisseurs potentiels;
– La promotion des services bancaires de la BMCE en Chine aussi bien à Pékin que par la suite à Shanghai;
– La mise à la disposition des importateurs marocains de lignes de crédits (pour l’acquisition du matériel d’équipement chinois) comme celle signée récemment avec l’EXIM Bank et dont le montant s’élève à 50 millions de dollars américains.

La BMCE vient de surmonter tous les problèmes, inhérents à son installation, en trois mois; ce qui est une prouesse en soit quand on connaît toute la complexité bureaucratique chinoise! Certaines composantes du secteur privé devraient en profiter et opérer un regroupement autour de cette banque en vu d’optimiser les actions et diminuer le coût: nos partenaires chinois opèrent de même et nous devrions commencer par nous inspirer de leus méthodes gagnantes.

Mais si le secteur privé devrait se regrouper. le Maroc devrait également renforcer sa présence diplomatique, dans cette partie du monde. Il devrait mettre à la disposition de son ambassadeur les moyens, aussi bien humains que matériels, pour mener à bien sa mission; moyens qui devraient se comparer à ceux de ses ambassades en Europe et non à ceux dont dispose une ambassade dans une république de bananes…à moins qu’il ne veuille rater son rendez-vous avec l’histoire!

By AEF